Écrit et traduit par Sara GAGLIARDI
Les récifs coralliens sont essentiels à la conservation des écosystèmes marins puisque ils créent des structures environnementales 3D utilisées par la faune marine comme refuge. Elles affectent donc directement de nombreuses espèces économiquement importantes comme le sar, le maquereau, le requin-chat et le poulpe. Malgré leur valeur économique, les coraux sont extrêmement fragiles et leur population est sujette au déclin à la fois à cause des changements climatiques (par exemple, l’augmentation de la température de l’eau de mer et l’acidification) et à cause des activités anthropiques (par exemple, la pêche, la pollution et l’agriculture). En fait, la NASA a rapporté que dans le monde entier, au cours des 50 dernières années, près de 27% des récifs coralliens surveillés ont été perdus, et un autre 32% sera perdu dans les 32 prochaines années.
Un facteur déterminant pour la santé et la survie des coraux est la composition des communautés microbiennes qui interagissent avec l’hôte corallien, appelé microbiome. En effet, les coraux vivent en symbiose – c’est-à-dire une relation étroite et durable entre différentes espèces – avec des virus, des bactéries, des archaeas, des champignons, des protistes, et d’autres invertébrés. L’assemblage de l’animal corail et de son microbiome est défini holobionte. Van de Water a découvert que l’association avec ces microbes est présente dans l’histoire à long terme de l’évolution des coraux, car ils jouent un rôle critique pour la longévité de leur hôte. Il est donc important pour la survie de l’holobiont de maintenir ces relations fragiles, même si elles sont fortement influencées par les changements climatiques et les facteurs de stress anthropiques.
Deux sous-classes d’invertébrés comprennent les coraux: les Hexacorallia (comprenant les anémones de mer, les coraux noirs, les scléractiniaires, les coraux tubulaires et les coraux ridés) et les Octocorallia (comprenant les coraux bleus, les coraux mous, les plumes de mer et les gorgones). Des recherches approfondies ont été menées sur le microbiome des scléractiniaires, qui a été décrit comme divers et variable à l’échelle spatiale et temporelle. Contrairement aux scléractiniaires, les octocoraux semblent maintenir des communautés microbiennes plus stables, bien que la recherche sur les microbiomes des coraux semble se concentrer beaucoup sur les scléractiniaires et sur la fraction bactérienne du microbiome. Van de Water décida donc d’étudier la composition bactérienne de Antipathella subpinnata, un corail noir de la mer Méditerranée qui fournit des habitats d’importance critique dans le mésophotique (40-150 m de profondeur) en créant des colonies arborescentes. L’auteur a choisi trois sièges champion, Portofino, Bordighera et Savona (Italie), pendant le printemps et l’automne.
Les résultats de l’analyse n’ont pas mis en évidence un microbiome noyau (en anglais, core microbiome) – c’est-à-dire des microbes qui sont omniprésents dans l’espèce coralline, indépendamment de l’espace et du temps – associés à A. subpinnata. Les échantillons de corail recueillis à Savona montrent une communauté bactérienne associée très différente de celles de Portofino et Bordighera, avec un grand nombre de genres de gammaprotéobactéries dégradant les hydrocarbures (Alcanivorax, Oleiphilus et Marinobacter). Van de Water a suggéré que cette différence pourrait être due à la présence de nombreux bateaux de pêche commerciaux, croisières et cargos dans le port de Savona, alors que les ports de Portofino et de Bordighera sont fréquentés uniquement par des yachts. Le chercheur a suggéré que les bactéries dégradant les hydrocarbures pourraient avoir prospéré en raison d’une plus grande disponibilité des ressources à Savona. Il conçoit également que les courants locaux (par exemple, les courants anticycliques) pourraient jouer un rôle important en tant que modificateurs (en anglais drivers) des communautés microbiennes associées à A. subpinnata en raison de l’induction d’importants soulèvements d’eaux riches en nutriments de la profondeur, qui modifient l’équilibre des fonctionnalités de l’holobionte. Enfin, les conditions environnementales pourraient avoir un impact sur les communautés planctoniques, qui sont une source de nutriments pour les coraux, ce qui entraîne des différences locales et temporelles dans la composition microbienne et, potentiellement, dans ses fonctions.
Van de Water a suggéré que, plutôt que d’avoir un “core microbiome”, les coraux noirs possèdent un microbiome avec des fonctions redondantes pour assurer la survie de l’holobionte. Ces fonctions incluent l’approvisionnement en nutriments importants, le rôle dans les cycles biogéochimiques (carbone, azote, soufre), la défense contre les agents pathogènes, etc. En effet, certaines bactéries peuvent décomposer des composés organiques de carbone complexes pour la digestion des proies (par exemple, les Bacteroïdites peuvent dégrader la chitine, qui compose la paroi cellulaire des champignons, le squelette des coraux noirs, l’exosquelette des arthropodes, etc.). D’autres effectuent des voies importantes dans les cycles d’azote et de soufre pour fournir au corail les molécules nécessaires à la production d’acides aminés (par exemple, Endozoicomonas) et/ou des composés antimicrobiens (par exemple, Pseudovibrio sp.). Cependant, on pense que l’azote et le soufre sont perdus dans l’ensemble par les cycles de nutriments de l’holobionte, et donc la prédation par les coraux est nécessaire pour combler les pertes. En outre, on pense que certaines bactéries (par exemple Pseudoalteromonas) sont présentes dans le microbiome pour réguler la composition des communautés microbiennes en sécrétant des composés ayant des activités antibactériennes, antifongiques et alginolytiques. Cette activité de régulation pourrait être effectuée en cas de changement environnemental pour adapter les fonctionnalités du microbiome afin de maintenir la survie de l’hôte.
En raison de leur mode de vie sédentaire, les coraux ne sont pas en mesure d’échapper à des environnements soudainement défavorables et nécessitent un mécanisme pour lutter contre les inconvénients de cette caractéristique. La composition du microbiome associé au corail noir A. subpinnata semble être flexible et probablement influencée par les conditions environnementales locales, cependant les caractéristiques principales pour la prospérité de l’holobionte sont maintenues comme résultat probable de la redondance dans le microbiome. Cette plasticité microbienne est essentielle pour que l’holobione s’adapte et/ou s’acclimate rapidement en réponse à des contraintes environnementales à court et à long terme.
References
van de Water, J. A. J. M., Coppari, M., Enrichetti, F., Ferrier-Pagès, C., & Bo, M. (2020). Local conditions influence the prokaryotic communities associated with the mesophotic black coral Antipathella subpinnata. Frontiers in Microbiology, 11, 1-20. DOI :10.3389/fmicb.2020.537813
https://en.wikipedia.org/wiki/Symbiosis
https://en.wikipedia.org/wiki/Hexacorallia
https://en.wikipedia.org/wiki/Octocorallia